vendredi 18 août 2017

Le Sénégal fait-il réellement partie des premiers pays à atteindre les objectifs de la Cop 21 ?


Jeudi 29 Juin 2017, le Président Macky Sall inaugure la troisième centrale solaire du Sénégal, la plus importante en capacité avec ses 30 mw: la centrale de Santhiou Mékhé. Un jour plus tard il tweete : « résolument mobilisés et engagés dans l’ère des énergies propres avec la nouvelle centrale de Santhiou Mékhé ». Un texte accompagné d’une annonce faite dans une infographie : « Avec plus 19% d’énergies propres (dans le mix énergétique ndlr), le Sénégal rejoint les premiers Etats à atteindre les objectifs de la COP 21. »
Une telle affirmation est-elle justifiée ?
Pour vérifier l’information, nous avions été à l’Agence Nationale des Energies Renouvelables (ANER), passé un coup de fil à la présidence, rencontrer une spécialiste en environnement et explorer une myriade de données sur internet. Aux termes de nos recherches, une conclusion nuancée : l’information donnée par le chef de l’Etat via son compte Twitter a une part de vérité tout comme des zones d’ombre. Démonstration.
Un chiffre crédible
« C’est un chiffre réaliste », nous lance Sidy Bouya Ndiaye Chef de la division exécution des projets et programme de l’ANER. « On va largement dépasser ce chiffre » renchérit Elhadj Hamidou Kassé, ministre chargé de la communication à la présidence de la République, joint au téléphone. Il n’y a aucun doute pour eux. Le Sénégal est bien à 19% d’énergies propres.
L’objectif du PSE est d’atteindre 20% d’énergies renouvelables dans le mix énergétique en 2017. Au rythme de l’inauguration des dernières centrales solaires « (Bokhol 20 mw, Malicounda 20 mw et Santhiou Mékhé 30 mw) qui font un total de 70 mw, ajouté au potentiel en hydroéléctricité (au moins 66 mégawatt avec la centrale hydroélectrique de Manantali » et aux concessions de l’Agence Nationale de l’Electrification Rurale (ANER) le chiffre de 19% annoncé par le chef de l’Etat est bien réel.
Il sera même largement dépassé d’ici la fin de l’année comme le pense El Hadj Hamidou Kassé. De nouvelles centrales solaires devront voir le jour avant 2018. Il s’agit notamment des centrales solaires de Kahone et de Diass.
L’équivoque !
Les projets déjà réalisés sur les énergies renouvelables ont fait passer le Sénégal d’un pays qui fonctionnait avec presque pas d’énergies propres il y a quelques années, à un statut de pays leader dans le domaine en Afrique de l’Ouest. Mais cela fait-il du pays l’un des premiers à atteindre les objectifs de la COP 21 comme annoncé dans le tweet du Président de la République ?
Pour s’en convaincre, une seule issue : parcourir l’Accord de Paris sur le climat. Problème. Après avoir lu les 39 pages de l’accord dans un premier on temps, utilisé un moyen technique de recherche de mots dans un texte, on a la confirmation de ce que l’experte en environnement Aissatou Diouf de l’ONG Enda nous avait révélé plutôt : « le terme énergie renouvelable (synonyme de énergie propre) n’est mentionné qu’une seule fois dans l’accord de la COP 21 ». La mention, dans la partie « Proposition du Président » à la page 2, est la suivante : « Considérant la nécessité de promouvoir l’accès universel à l’énergie durable dans les pays en développement, en particulier en Afrique, en renforçant le déploiement d’énergies renouvelables des émissions de gaz à effets de serre (…) Décide d’adopter l’Accord de Paris en vertu de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (…) ». L’expression souvent utilisée dans l’accord est plutôt « atténuation des émissions de gaz à effets de serre ».
Aissatou Diouf est formelle à ce propos « Il n’y a pas d’objectif pour les énergies renouvelables dans l’accord de Paris ». Cependant les Etats ont tout de même prévu de faire des efforts dans les énergies renouvelables. C’est ce qu’elle nous explique en rappelant que : « En amont de la COP 21 chaque pays ou groupe de pays (UE) avait produit un document CPDN (Contribution prévue et déterminée au niveau national) qui deviennent aujourd’hui des CDN (Contribution Déterminée au niveau national) ».
Dans le document CPDN du Sénégal, les objectifs ne sont pas énoncés en référence au mix énergétique du Sénégal mais en terme d’atténuation des émissions de gaz à effets de serre avec des options qui vont jusqu’à une baisse de 30% en 2030. En plus de ce cap, il y a également des objectifs à atteindre à l’horizon 2020 dans le solaire et l’éolienne, de 310 mw. Un objectif réaliste car des centrales et des parcs éoliens sont en cours de réalisations.
En conclusion on pourrait retenir que la mention « parmi les premiers Etats à atteindre l’objectif de la COP 21 » est inopportune dans le tweet du chef de l’Etat vu qu’il n’y a pas d’objectif précis avec l’Accord de Paris. Il n’y a que des objectifs nationaux ou des objectifs par groupe comme avec l’Union Européenne qui se fixe un but de 27 % de renouvelables dans sa consommation d’énergie d’ici à 2030.

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