La presse sénégalaise
est pionnière en Afrique francophone. Elle a connu ses balbutiements au XIXe et a traversé le XXe. A l’aube du troisième millénaire, elle peut se targuer de
n’avoir pas grand-chose à envier à ses « congénères » du continent.
Mais elle a encore tellement de progrès à faire !
Dix-neuf quotidiens, plusieurs dizaines de radios, plus
d’une dizaine de télévisions sans compter la myriade de sites Internet sur la
toile, pour une population d’à peine quatorze millions d’habitants ; le
rapport est bon, pour ne pas dire excellent. Le citoyen sénégalais a une large
palette de choix, pour s’informer. La presse est de visu dynamique,
florissante. Elle a réalisé un progrès phénoménal comparé à l’époque de Moniteur du Sénégal et Dépendance au
milieu du XIXe siècle. Mais on est tenté de dire que ce n’est que la partie
visible de l’iceberg.
La presse sénégalaise souffre de plusieurs tares. Sur le
plan professionnel, elle a certes des individualités hautement qualifiées qui
éclaboussent les tergiversations d’une grande partie du secteur. Mais elle est
haletante, un nombre important de ses journalistes n’ayant pas reçu une formation
appropriée, étant selon l’expression, « formés sur le tas », même si
certains d’entre eux font état d’une virtuosité sensationnelle. C’est ce qui
explique en partie son caractère superficiel. Elle effleure les sujets, les
touche, mais va rarement plus loin. C’est une presse d’opinion pour la plupart
du temps ; une presse aussi, sensationnelle.
Evidemment, pour
aller en profondeur dans les sujets il faut en plus des moyens humains, les
moyens matériels et financiers, qui font défaut de manière criante dans la
plupart des médias. Il ne suffit que d’ouvrir les pages des quotidiens pour en
avoir un aperçu clair. La piètre qualité de l’impression et du papier, s’ajoutant
à l’illustration d’une autre époque, ne sont que les symptômes d’un
médium, qui intérieurement connait
« une overdose de compte rendu ». Les genres prestigieux comme le
reportage et le portrait y sont presque absents. L’enquête n’en parlons même
pas. Existe-t-il un journaliste d’investigation au Sénégal ? On aura
difficilement des arguments pour dissuader ceux qui répondront par la négative.
La presse sénégalaise est nationale. Les correspondants étrangers
de nationalités sénégalaises se comptent sous les doigts d’une main.
L’actualité internationale est ainsi abordée sous les œillères, d’un traitement
souvent partisan d’une presse étrangère surpuissante. L’actualité « hors
de chez nous » a pour principaux maîtres-mot, « Reprise de dépêche
des agences françaises » et « reprise des récits et de reportages des
télévisons françaises d’information en continu ». C’est pourquoi
l’actualité française sur les informations qui nous parviennent de l’extérieur
est omniprésente. Quel média sénégalais, n’a pas traité plusieurs jours durant
les informations sur les manifestations sur
la loi de travail en France ? C’est parce qu’elles faisaient la une
des médias français ; quoi de plus normal d’ailleurs. Mais quelle
importance cela a pour le citoyen sénégalais? Pendant ce temps qu’est ce qui se
passait en Amérique Latine. Un petit coup d’œil sur l’agence de presse
espagnole EFE nous aurait sans doute éclairés sur des informations plus
intéressantes. Que se passait-il au Moyen-Orient, en Asie ? Un coup d’œil
sur les médias arabes, japonais ou indiens nous y aurait sans doute plus
édifiés, en plus avec un autre angle de traitement sans doute aussi, voire plus
pertinent que celui français. Une grande partie du monde nous est ainsi cachée.
Qu’ils sont nombreux, les défis qui guettent la presse
sénégalaise !
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