dimanche 29 mai 2016

UNE PRESSE TELEGUIDEE

La presse sénégalaise est pionnière en Afrique francophone. Elle a connu ses balbutiements au XIXe et a traversé le XXe. A l’aube du troisième millénaire, elle peut se targuer de n’avoir pas grand-chose à envier à ses « congénères » du continent. Mais elle a encore tellement de progrès à faire !


Dix-neuf quotidiens, plusieurs dizaines de radios, plus d’une dizaine de télévisions sans compter la myriade de sites Internet sur la toile, pour une population d’à peine quatorze millions d’habitants ; le rapport est bon, pour ne pas dire excellent. Le citoyen sénégalais a une large palette de choix, pour s’informer. La presse est de visu dynamique, florissante. Elle a réalisé un progrès phénoménal comparé à l’époque de Moniteur du Sénégal et Dépendance au milieu du XIXe siècle. Mais on est tenté de dire que ce n’est que la partie visible de l’iceberg.

La presse sénégalaise souffre de plusieurs tares. Sur le plan professionnel, elle a certes des individualités hautement qualifiées qui éclaboussent les tergiversations d’une grande partie du secteur. Mais elle est haletante, un nombre important de ses journalistes n’ayant pas reçu une formation appropriée, étant selon l’expression, « formés sur le tas », même si certains d’entre eux font état d’une virtuosité sensationnelle. C’est ce qui explique en partie son caractère superficiel. Elle effleure les sujets, les touche, mais va rarement plus loin. C’est une presse d’opinion pour la plupart du temps ; une presse aussi, sensationnelle.

 Evidemment, pour aller en profondeur dans les sujets il faut en plus des moyens humains, les moyens matériels et financiers, qui font défaut de manière criante dans la plupart des médias. Il ne suffit que d’ouvrir les pages des quotidiens pour en avoir un aperçu clair. La piètre qualité de l’impression et du papier, s’ajoutant à l’illustration d’une autre époque, ne sont que les symptômes d’un médium,  qui intérieurement connait « une overdose de compte rendu ». Les genres prestigieux comme le reportage et le portrait y sont presque absents. L’enquête n’en parlons même pas. Existe-t-il un journaliste d’investigation au Sénégal ? On aura difficilement des arguments pour dissuader ceux qui répondront par la négative.

La presse sénégalaise est nationale. Les correspondants étrangers de nationalités sénégalaises se comptent sous les doigts d’une main. L’actualité internationale est ainsi abordée sous les œillères, d’un traitement souvent partisan d’une presse étrangère surpuissante. L’actualité « hors de chez nous » a pour principaux maîtres-mot, « Reprise de dépêche des agences françaises » et « reprise des récits et de reportages des télévisons françaises d’information en continu ». C’est pourquoi l’actualité française sur les informations qui nous parviennent de l’extérieur est omniprésente. Quel média sénégalais, n’a pas traité plusieurs jours durant les informations sur les manifestations sur  la loi de travail en France ? C’est parce qu’elles faisaient la une des médias français ; quoi de plus normal d’ailleurs. Mais quelle importance cela a pour le citoyen sénégalais? Pendant ce temps qu’est ce qui se passait en Amérique Latine. Un petit coup d’œil sur l’agence de presse espagnole EFE nous aurait sans doute éclairés sur des informations plus intéressantes. Que se passait-il au Moyen-Orient, en Asie ? Un coup d’œil sur les médias arabes, japonais ou indiens nous y aurait sans doute plus édifiés, en plus avec un autre angle de traitement sans doute aussi, voire plus pertinent que celui français. Une grande partie du monde nous est ainsi cachée.


Qu’ils sont nombreux, les défis qui guettent la presse sénégalaise !

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